lundi 22 octobre 2007

Comme promis, le texte intégral de l'avis du Tribunal Administratif. Seuls les noms ont été supprimés.

Affaire suivie par : Inspection du travail, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Conseillers composant le Tribunal Administratif de la Polynésie française

Papeete, le 10 Octobre 2007,

MEMOIRE EN DEFENSE

Objet : Société Air Tahiti Nui c/ Polynésie française - Dossier n° 0700301-1
Réf. : Requête en annulation de la Société Air Tahiti Nui en date du 24 août 2007
La décision de l'inspecteur du travail n° 354/ITl/MP/yw refusant le licenciement de
M. ………………………. est du 1er août 2007 ;

Le recours administratif de la société Air Tahiti Nui a été reçu le 28 août 2007 ; Le recours est bien recevable.

1. Légalité externe

La procédure de licenciement initiée par l'employeur de M. Mr………………. est marquée du sceau de la précipitation.
Tout d'abord, la demande d'autorisation à l'inspecteur du travail est envoyée le 4 juillet 2007, soit le même jour que la convocation du salarié à l'entretien préalable, lequel n'aura lieu que le 13 juillet.
Cela signifie donc que l'employeur a décidé du licenciement sans envisager tenir compte du résultat de l'entretien préalable et notamment des arguments du salarié.
La réglementation polynésienne, à la différence de la réglementation métropolitaine, n'impose pas formellement l'envoi de la demande après l'entretien préalable.
Par conséquent si formellement la lettre de la procédure n'est pas enfreinte, son esprit est bafoué.
En effet, toute la procédure vise à inciter l'employeur à peser sa décision, notamment après avoir entendu le salarié puisque sa décision ne peut intervenir qu'un jour franc après l'entretien, dans les cas où aucune autorisation administrative n'est pas requise.
En second lieu, la première demande d'autorisation adressée à l'inspecteur du travail porte sur des faits de trafic de stupéfiant (lettre du 4 juillet).

Ce n'est qu'à l'issue de l'entretien avec l'inspecteur du travail, au cours de l'enquête contradictoire que l'employeur modifie sa demande, excipant d'une erreur matérielle, pour invoquer non pas l'atteinte portée à la notoriété de la compagnie du fait d'une mise en cause pour trafic de stupéfiant, mais la consommation de stupéfiant lors d'escales.
S'il ne saurait être question de douter de la gravité d'une affaire concernant les stupéfiants pour une compagnie aérienne, force est de constater que le dossier de l'entreprise comporte dès le départ de nombreuses faiblesses par excès de précipitation.
Celle-ci n'est pas, comme expliqué précédemment, un motif de refus. Elle explique néanmoins le 1er considérant de l'inspecteur du travail.
Enfin, la précipitation a été telle qu'un représentant du personnel a été licencié avant même la demande d'autorisation, ce qui bien entendu a conduit l'inspecteur du travail à refuser son licenciement.

2. Légalité externe

2.1. Les règles applicables en matière de consommation de stupéfiant

Très clairement, et de façon évidente, les différents textes prohibent l'exercice de fonction à bord d'un aéronef sous l'emprise de substances psycho actives.
Il demeure, en revanche, plus difficile d'établir que ces mêmes règlements interdisent toute consommation, même dans la sphère privée et de façon occasionnelle.
Les règles de l'air, après avoir rappelé l'interdiction d'exercice des fonctions sous l'influence de quelques substances psycho actives que ce soit, précisent que le personnel navigant « ne se livre à aucun usage de substances qui pose problème. » (article 2-4).
Quel est cet usage qui pose problème ? Si tout usage pose problème, il aurait simplement été précisé que « tout usage est interdit ». Il faut donc considérer que certains usages ne posent pas problème.
Le « manuel généralités » est plus précis puisque stipulant que « la consommation de stupéfiant est incompatible avec les métiers de l'exploitation ».
Mais ces deux documents sont propres à Air Tahiti Nui. La compagnie ne peut édicter des règles empiétant sur la sphère privée, sans poser comme limite l'interaction avec le travail.
De fait, les textes officiels, édictés par les autorités normatives, ne posent que l'interdiction d'exercice des fonctions sous l'influence de substances.

2.2. La consommation de stupéfiant

Toute la procédure est fondée sur les déclarations consignées dans le procès-verbal de gendarmerie.
Aucune autre preuve des faits invoqués pour justifier la demande n'est produite.
Les documents produits ne permettent d'établir ni une consommation récente et habituelle, ni une consommation pendant une escale technique ou commerciale.
Seules sont reconnues des consommations très occasionnelles et anciennes.
M. Mr………………. reconnaît une consommation régulière de paka jusqu'au lycée, d'ecstasy en 1995 et des consommations de cocaïne dont la dernière en 2006 pour son anniversaire. Rien ne permet de supposer qu'il ait travaillé sous l'emprise de ces substances.

En conséquence, il n'est en aucune façon possible d'établir que le salarié ait exercé ses fonctions sous l'emprise d'une substance psycho active.

2.3. La gravité des faits reprochés

La première demande portait sur le trafic de stupéfiant et les dommages en terme d'image pour l'entreprise.
Bien qu'annulée et remplacée, tardivement, par courrier du 20 juillet, l'inspecteur du travail prend soin d'écarter ce motif en précisant que Mr………………. ne fait l'objet d'aucune poursuite de ce chef.
Néanmoins, il n'est pas contesté que la demande porte sur la consommation de stupéfiant et sur elle seule.
L'employeur n'invoque pas le fait que Mr………………. est effectivement accusé par plusieurs personnes d'être le fournisseur en drogue lors des escales sur Los Angeles.
La répercussion de l'affaire en terme d'image pour la compagnie n'est plus invoquée non plus comme dans la première demande.
L'employeur avait du reste su employer ce motif pour des faits liés aux stupéfiants dans une affaire jugée par le tribunal du travail le 22 mars 2007 (PJ n° 1).
Indépendamment des suites pénales, le tribunal civil avait jugé que la publicité donnée à l'affaire avait suffisamment troublé la bonne marche de l'entreprise pour justifier le licenciement.
L'inspecteur du travail, qui avait accepté de considérer les motifs invoqués lors de l'enquête contradictoire et confirmés dans la deuxième demande (alors qu'il aurait pu refuser sur les motifs de la première demande et obliger l'entreprise à recommencer toute la procédure) ne pouvait substituer ces motifs à ceux finalement invoqués par l'entreprise.
Il devait s'en tenir aux faits liés à la consommation de stupéfiant.
Dans la mesure où aucune règle précise édictée par une autorité normative ne prohibe formellement toute consommation même dans la sphère privée, dans la mesure où aucune preuve ne permet d'établir l'exercice des fonctions sous l'emprise de stupéfiant, l'inspecteur du travail ne pouvait que retenir l'absence de faute d'une gravité suffisante.

La décision de l'inspecteur du travail est donc parfaitement justifiée sans aucune erreur d'appréciation.
Les considérants relatifs à l'information du personnel et à la prévention sont surabondants, mais viennent rappeler à l'entreprise que lors de la modification du règlement intérieur pour permettre les contrôles de stupéfiant, recommandation avait déjà été faite d'associer une phase d'information et d'accompagnement aux contrôles à venir.
Pour le Président et par délégation, Le Secrétaire Général du Gouvernement.

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